Revue hebdomadaire sur Internet Indio Gris
Nº 96 An 2001 , JEUDI 28 MARS

Fusionne, dirige, écrit et correspond : Menassa 2002

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XXIe SIÈCLE

Indio Gris


INDIO GRIS Nº 96

AÑO II

ÉDITORIAL

ENTRETIEN AVEC LE POÈTE MIGUEL OSCAR MENASSA

Dimanche, 24 mars 2002

Carmen Salamanca : Voyons…Menassa…entretien…

Miguel Oscar Menassa:  L’entretien…Qui est-ce ? Salamanca ?

CS : Oui.

MOM : Écoutez-moi, Salamanca…Vous travaillez pour le journal « El País ?

CS : Non, que je sache. Tout au moins ils ne me paient pas.

MOM : Faites attention, parce que tout ce que je vous dis à vous paraîtra quinze jours plus tard comme une nouvelle dans  « El País ».

CS : C’est que vous êtes un bon lecteur de la réalité.

 MOM : Vous croyez que j’anticipe.

 CS : Oui.

 MOM : Et pourquoi ces gens-là ne m’embauchent pas. Je leur donnerais les nouvelles quinze jours avant.

 CS : Ce qui m’étonne c’est que Polanco n’ait pas essayé de vous recruter comme directeur de « El País ».

 MOM : , analyste politique.

 MOM : Ou pour leur donner les nouvelles quinze jours avant. Vous avez vu…Les journalistes et les agences de publicité sont un peu grossiers. Avoir dit que ce gars italien…pauvre petit…

 CS : Berlusconi ?

 MOM : Non, l’autre. Il est un peu de droite mais ce n’est pas un fils de pute. Et les journalistes ont dit qu’ « il voulait couler le bateau avec tous les immigrants dedans » et lui, il avait parlé d’une mesure pour punir les contrebandiers après avoir sorti les immigrants du bateau , un avertissement aux contrebandiers d’armes. Et les journalistes ont traduit que monsieur Bossi  -comme ils ne l’aiment pas (parce que de droite oui, mais pas autant…Ils ne savent pas ce qu’ils veulent), alors ils ont dit :  « Monsieur Bossi veut couler un bateau avec 500 immigrants ».

 CS. Personnellement, la réapparition des Brigades Rouges m’a semblé curieusement opportune.

 MOM : Ehhh !

 CS : Oui, curieusement opportune.

 MOM : Ça ne le mettez pas. Qu’est-ce que ça veut dire, ça ?

 CS :  Que c’est arrivé à point pour le gouvernement. Il peut ainsi se radicaliser un peu. Juste maintenant que les syndicalistes protestent. Il y a eu deux millions de personnes dans la manifestation d’hier.

 MOM : Vous doutez que les Brigades Rouges soient les Brigades Rouges. C’est ce que vous êtes en train de me dire ? Moi je n’oserais pas dire autant.

 CS : J’ai entendu une analyse politique, l’autre jour, qui disait que le grand danger de ce dernier attentat ce n’est pas la réapparition des Brigades Rouges mais qu’elles déstabilisent plus le précaire équilibre politique de l’Italie en ce moment. Que signifie qu’elles déstabilisent ? Ça peut être une radicalisation.

MOM : Je ne sais pas..

CS : Dites-nous ce qui va  se passer dans 15 jours en Italie.

MOM : En Italie…Je vous le dis et on va voir si je tombe juste… En Italie, dans quinze jours ils continueront à parler italien.

Public : en Italie il ne se passe jamais rien.

MOM : L’Italie est intervenue  dans environ 500 guerres. Elle n’a jamais gagné, ni même quand la guerre était contre les cultivateurs de citrouilles. L’Italie a le même problème avec la guerre que l’Espagne avec la démocratie. Elle essaie , elle essaie, elle essaie, mais elle ne peut pas arriver. L’Italie fait la guerre pour voir si elle gagne quelque chose et l’Espagne fait de la démocratie, de la démocratie et elle ne peut jamais la démocratie. Et je ne sais pas pourquoi c’est comme ça. Ça doit être qu’ils le désirent beaucoup. La psychanalyse dit que parfois pour que les choses viennent il faut faire comme si on était stupide. Et ces gens-là, ça les intéresse tant, ça , ça les intéresse tant qu’ils effraient la perdrix.

CS : Vous voulez dire que chaque pays a une esthétique ?

MOM : Plût au ciel !  Ils ont une morale. S’ils avaient une esthétique ils dépenseraient plus d’argent en éducation qu’en armes pour faire plier l’ennemi. Il me semble bien que vous croyez à ces choses-là parce que, comme vous êtes jeune et à moi on m’a dit que sans une forte désillusion il n’y a pas de croissance possible, ça me semble bien que vous croyez à toutes ces choses parce qu’ainsi, quand viendra la désillusion, vous écrirez mieux.

CS : Psychanalyse du leader, 27 août 1977 : « Dans les relations intersubjectives la seule chose que l’on risque est un peu de sécurité, un peu d’argent, le reste est bénéfice, tout humain. »

MOM : Mais lui, ce qu’il ne savait pas à ce moment-là c’est que l’argent est la seule choses que l’on risque  dans les relations intersubjectives…Il lui dit, n’ayez pas peur, l’unique chose que l’on risque c’est un peu d’argent. Qu’est-ce qu’il dit encore ?

CS : Un peu de sécurité et un peu d’argent.

MOM : Quand j’ai dit cela les problèmes qui existent aujourd’hui n’existaient pas, aujourd’hui où l’argent et la sécurité sont deux problèmes de tous les états modernes. Vous comprenez un peu ce que je dis ? Comment n’allez-vous pas le comprendre. C’est très simple.

La phrase n’est pas mal. Je ne renie pas la phrase, le dire. Je dis simplement qu’à cette phrase il lui manquait de savoir qu’on ne risquait pas peu, parce que lui, à ce moment-là  il dit : « Regardez…Soyez en relation avec le monde, vous risquez peu, un peu de sécurité ». Mais là, la sécurité se référait à la sécurité de la mère, par contre, maintenant la sécurité  se réfère aux bombardements, aux armes de destruction massive, à l’unique possibilité des Etats-Unis de continuer à être puissant. La sécurité, l’invention des Etats-Unis quant à la sécurité, au-delà du fait que ce soit nécessaire ou pas : c’est le seul chemin facile, direct, où les Etats-Unis puissent maintenir leur pouvoir économique. Vous voyez que c’est vrai ? On ne risque qu’un peu de sécurité, nous entendons par sécurité les bras de la mère, non pas la création d’armes atomiques pour que quelques citoyens vivent tranquilles, non, je ne parlais pas de ça. Je parlais de la tranquillité dans les bras de la mère.

Justement, je suis en train de peindre un enfant dans les bras de sa mère attendrissant. Si 2 millions de peintres ne l’avaient pas fait avant moi, je serais un créateur, mais ce que je suis en train de faire, 2,5 millions de peintres l’ont fait. Vous pourrez dire : « Oui, mais pas aussi beau ». La beauté n’a rien à voir… La seule chose qui intéresse l’homme c’est la surprise,  non la beauté. Parce que l’homme avale peut-être la beauté, mais à la surprise il dit toujours que non. « Ça c’est pas ma maman »dit l’homme et c’est fini.

Moi, comme j’ai peur de l’amour je préfère surprendre les gens.

CS : Je suis en train de penser à ce que vous m’avez dit au début de l’entretien quand je vous ai répondu que vous lisiez très bien la réalité.

MOM : Vous m’avez adulé. Je m’en suis rendu compte. Mais vous êtes jeune et si je vous marque toutes les erreurs que vous commettez je ne vous laisse pas cheminer.

CS : Alors maintenant je vous dés-adule. Peut-être que les journalistes de « El País » sont lents et que ce que vous dites est déjà en train de se passer. Je dis ça parce que j’ai trouvé une phrase dans ce livre Psychanalyse du leader que  vous m’avez envoyé lire lors du dernier entretien, comme un manuel de philosophie psychanalytique, qui dit : « Écrire, on écrit toujours sur ce qui est en train de se passer. L’écrivain qui essaie d’écrire sur le passé ou d’annoncer l’avenir n’est jamais un grand écrivain. S’il écrit sur le passé il sera un bon psychanalyste, s’il annonce l’avenir il sera un visionnaire, jamais un grand écrivain. » J’espère que dans les lignes précédentes on entrevoit mon désir d’être un grand écrivain ». Ça c’est aussi de 1977.

MOM : Bon…Un tas d’années sont passés et il semble que maintenant je suis déjà un grand écrivain.

CS : Et vous continuez à écrire sur ce qui se passe ?

MOM : Aujourd’hui plus que jamais, pas comme un intellectuel de gauche, comme un  écrivain. En trompant le tyran, en ne donnant pas au tyran des renseignements pour que  le tyran vienne et tue, comme le font les intellectuels de gauche qui dénoncent n’importe quel mouvement, n’importe quelle situation pour que l’État soit en alerte ; c’est pour ça qu’un véritable créateur, un véritable créateur dit quelque chose et fait quelque chose que l’État, l’Université, la police de droites, de gauches, d’en haut ou d’en bas ne peuvent pas réprimer parce qu’elles ne se rendent pas compte de ce que c’est. Pourquoi ? Parce qu’un message bien dirigé, seul celui a qui il est dirigé le comprend.

CS : Alors Saramago perd son temps quand il recommande aux politiciens ( à propos, lui aussi il a copié Indio Gris) qu’ils lisent Blas de Otero. Ce n’est pas bien dirigé. Comment les politiciens vont-ils comprendre ce que c’est que la poésie ?

MOM : De plus, les politiciens l’ont lu et ils ont compris ce qu’ils ont compris. Et c’est ça qui est grave. Non qu’ils ne l’aient pas lu sinon qu’ils aient compris ce qu’ils ont compris. J’insiste à nouveau : un bon message –et le poème est toujours un bon message – ne fait lumière que chez celui à qui il est dirigé, non à son oppresseur.

Nous pouvons embellir la réalité autant que nous le voulons mais nous ne pouvons pas nier l’injustice, nous ne pouvons pas nier. Par exemple, il y a un philosophe actuellement qui est d’accord pour qu’au Pays Basque on parle en anglais. Mais si le hasard veut que ce philosophe soit catalan, ensuite quand ils voudront faire parler l’anglais en Catalogne, le philosophe sera alors contre l’État. Ainsi donc, personne ne pense à rien, chacun touche  son nombril et si son nombril est sain il dit qu’il y a de la santé et si son nombril est malade il dit qu’il y a de la maladie, mais personne ne pense à la maladie du monde, ni à la maladie des problèmes. Nous sommes un peu attrapé dans une espèce d’amour de la stupidité. Ne voyez-vous pas qu’il y a un conseiller de Rajoy dont ils veulent faire un politicien.. Maintenant, ils lui ont conseillé qu’il se moque de tout le monde. Et si cela se passe dans un pays civilisé –il n’y a pas de pays civilisé dans le monde –le peuple ne va pas voter pour une personne qui se moque des autres ; s’il se moque de ses camarades députés, comment ne va-t-il pas se moquer du peuple ? Et en parlant un peu de tout, j’ai appris  par la télévision que le Señorito Aznar, je ne peux pas l’appeler autrement cet imbécile de merde, a dit devant tout le monde, alors que les microphones étaient ouverts, que le discours qu’il venait de faire était emmerdant au possible. On ne peut pas vivre avec des gens comme ça. Moi je ne ressens pas ça quand je donne un cours à des élèves de 15 ans et lui, il ressent ça quand il est en train de parler avec les chefs du monde. Si Aznar continue à être le Président de la Commission Européenne, imaginez-vous ce qu’est le monde. Si le monde est capable de pardonner  cela c’est parce qu’ils sont en train de faire des affaires crapuleuses, de mauvaises affaires, des affaires honteuses. Ils sont en train d’escroquer la plupart des personnes nobles qui allons et votons pour ces fils de pute et ils sont encore là et personne ne leur dit rien. Si vous fumez un joint dans la rue, on vous met en prison, ce petit jeune boit une bière et on lui casse la gueule. Il y a de l’inégalité, il y a de l’injustice et ne venez plus me casser les couilles avec ces choses-là. Je n’aime pas parler de ces choses-là. Vous savez pourquoi ? Parce que je ne les comprends pas ces choses-là.

CS : Non.

MOM : Je comprends peu. Maintenant je vais donner un coup de griffe à celle-là. Un coup de griffe n’elle ne peut même pas s’imaginer. Ni elle, ni moi, ni personne, personne, personne.

CS : Je précise aux lecteurs que « celle-là » c’est le tableau et pas moi.

MOM : Tu as bien fait, parce qu’ils sont capables de croire n’importe quoi.

CS : Bien sûr, la situation du monde est inquiétante. Maintenant a lieu la fameuse tournée à travers les pays arabes pour chercher des appuis pour envahir l’Iran…

Public : Irak.

CS : Bon…Irak.

MOM : Mais vous avez vu comment sont les poètes ? Et vous, vous êtes bête et jeune, en plus ils envahiront aussi l’Iran.

CS : Il semble que ça a été un échec. Ils lui ont tous dit que non, même la Turquie, qui est son allié depuis toujours. Ils lui ont dit « qu’ils se coupent un cheveu » et qu’ils arrangent d’abord la question d’Israël et de la Palestine.

MOM : Bon…Mais c’est une affaire.

CS : Bien sûr que c’est une affaire. Les Etats-Unis ne vont pas renoncer à leurs intentions, ils remettront à plus tard..

MOM : Tu sais ce qui se passe ? Ils croient que la survie de l’espèce est en jeu. Ils sont fous, des fous. Ils croient que ce qui leur arrive à eux est ce qui doit se passer dans le monde du futur, ils sont tous fous. Aznar croit qu’il est en train de donner au peuple espagnol une bonne éducation, mais c’est faux un mensonge. Lui, quand il se réunit en secret avec ce Pío Cabanillas, qui devrait être portier de la télévision alors qu’il a été le patron de la télévision. Maintenant c’est le chef  des media  alors qu’il devrait être portier, portier de bordel, celui qui appelle les gens pour qu’ils votent, pour qu’ils baisent. Autrefois il y avait toujours un rabatteur qui attirait les hommes en leur disant : 

« Ici il y a des demoiselles ». « L’Espagne va bien, passez et voyez comme l’Espagne va bien ». Vous comprenez ce que je dis ?

CS : Oui.

MOM : Quoi de plus ? Allez, posez-moi des questions. Moi je me rends compte à quelle prison vous voulez m’envoyer, si à Alcatraz…

CS : Une autre phrase du livre : « Être les meilleurs, donc, ne sert à rien, soyons autre chose ».

MOM : Parce qu’être les meilleurs est ce qui correspond à être le pire. Qu’est-ce que je gagne quand je me mets dans la dialectique où se trouve le pire ? Parce qu’aujourd’hui je joue à être le meilleur et je suis le meilleur, mais c’est une dialectique où se trouve aussi le pire, donc, demain, c’est à mon tour d’être le pire. Mauvaise dialectique. Pas question d’être les meilleurs, être nombreux, et non pas être les meilleurs. Vous, vous me dites : Menassa, qu’est-ce que vous voulez ? Peindre le meilleur tableau du monde ou que dans votre école il y ait 30 peintres qui envahissent le marché avec une peinture bien faite, bon marché, réalisé comme un divertissement merveilleux, une rencontre entre amis, un poème qui surgit, une fille qui ouvre les jambes pour toujours…Ça c’est l’art, quand on se donne. Quand on se donne l’art reste  en  permanence ouvert, il peut entrer par n’importe quelle fente . Qu’est-ce que vous voulez faire, de la peinture ? Maintenant que Miguelito chante, je commence à chanter et je le gagne à plate couture.. Moi je chante très mal mais c’est tout un apprentissage, tout s’apprend. S’il a été capable d’écrire de la poésie, pourquoi ne vais-je pas être capable de chanter. Ou je suis plus loin de chanter que lui d’écrire de la poésie ?

CS : Évidemment, parce que tout est question de décision. Voyons ce que vous semble cette phrase : en 1977 Menassa savait déjà que nous allions faire «  Peindre à la maison ». Tout d’abord il dit : « Je vivais entouré d’animaux, petits et grands de toutes les couleurs, quiconque aurait dit « schizophrénie ». Moi j’ai dit « peintre », un ex abrupto de la nature, un rêve à vif ».

Et ensuite il dit : « La peinture, ce passage nécessaire pour un grand cinéma qui vit en nous ». « Peindre à la maison ». Une décision, on peut choisir un mot ou l’autre, schizophrénie ou poète, avec un mot tu te sauves…

Amelia Diez : Psychiatrie ou psychanalyse.

Vous viviez entouré d’animaux, petits et grands de toutes les couleurs.

MOM : Je les hallucinais un peu, mais,…vous voyez comme sont les gens ? Imaginez en 1977 comment était les gens. </